Dimanche 26 Novembre 2017
Lecabinetmédical,unehétérotopie

Au fil de mes recherches à propos de l'entretien thérapeutique, nous remarquons qu'il existe des paramètres récurrents que nous avons évoqués sans jamais ne nous y être attardés. Ces paramètres sont le rapport de confiance entre les deux acteurs, leurs rôles en fonction de leur hiérarchie, l'espace dans lequel ils se rencontrent, le temps de la rencontre, ce qui va être exprimé ou encore les limites de ce qui peut être dit par exemple. Tout ces paramètres relèvent d'un contrat tacite entre le professionnel de la santé et le patient.

À l'origine de ma recherche, j'ai voulu me concentrer sur le contenu du dialogue entre ces deux acteurs. Or, il nous semble évident que l'efficacité de l'entretien dépendra avant toute chose de tout les paramètres qui gravitent autour de ce dialogue. Par exemple, il est facile de penser qu'un adolescent aura plus de facilité à s'exprimer si il se sent dans un espace qui lui est agréable, et si son interlocuteur inspire la confiance et le non-jugement. Cette observation devient intéressante lorsqu'on comprend qu'un designer a la capacité d'agir sur tout ces paramètres. Et cette intervention à cet endroit précis est d'autant plus pertinente dans le sens où il ne remplacera pas le professionnel de la santé. Rappelons que dans le protocole d'entretien, le designer ne pourra jamais remplacer ce professionnel.

Le cabinet médical, une hétérotopie.

Pour mettre à jour ces paramètres précis, il est intéressant d'observer un cas particulier, celui du rendez-vous médical. Tout le monde a dû au moins une fois dans sa vie s'y rendre et accepter par conséquent le contrat tacite qu'il existe entre le médecin et son patient, sans jamais le formuler. Ce contrat délimite l'espace métaphysique dans lequel se déroulera l'entretien. Il y est indiqué ce qu'il pourra s'y passer et également ce qui y sera interdit.

Par exemple, lors de l'entretien médical, il est convenu que le patient puisse dire exprimer certaines facettes intimes de son quotidien, de ses habitudes ou de ses pensées. Il est également convenu que le médecin puisse demander à son patient de dévêtir une partie de son corps, de la toucher. Ces permissions ne sont pas exprimées, et pourtant bien acceptés par tous. Également, il existe des interdictions. Par exemple, il n'est pas autorisé à un médecin d'exprimer un jugement à propos de son patient, ni d'exprimer une émotion, surtout si elle le concerne.

Ces paramètres sont tacites, et pourtant nombreux sont les éléments concrets - sensibles ou législatifs - qui les valide. Dès notre arrivée dans le bureau, on nous indique que nous entrons dans un espace autre, une sorte d'hétérotopie, qui fonctionne avec ses propres règles.

C'est le médecin qui nous y accueille, en prenant soin de nous saluer grâce à la très professionnelle poignée de main. Cette poignée nous montre que c'est le médecin qui est maître de cet espace, et que nous ne pouvons pas le pratiquer sans lui. D'ailleurs, avons nous déjà vu un médecin hors de son cabinet ? Ce signe de main indique la bienveillance du médecin pour son patient mais également leur rapport strictement professionnel.

Ensuite, les deux acteurs s'installent de part et d'autre d'un bureau. Ce bureau est important dans la distance qu'il maintient entre ces deux acteurs. Cette distance nous en dit beaucoup sur la teneur du rapport entre les personnages : ils sont séparés mais peuvent tout de même communiquer. Au delà de ses caractéristiques spatiales, lors du dialogue au début de l'entretien, ce bureau connote également la teneur professionnelle que va avoir la séance.

Cette caractéristique est appuyée par le costume qu'endosse le médecin. Qu'il soit vêtu d'une blouse ou d'une veste, cette tenue va confirmer l'autorité et le grade professionnel qu'a acquis le médecin. Dès que le patient a vu ce vêtement, il est au courant de son statut et l'entretien peut commencer, le patient peut dévoiler son problème. Le patient n'a pas peur de raconter son problème même si il relève de son intimité, car un autre paramètre tacite, celui de la loi du secret professionnel, le protège.

Très nombreux sont les paramètres qui confirme ce contrat et qui va installer plus ou moins de confiance chez le patient. La bibliothèque du médecin montre qu'il est soutenu dans ses propos par des siècles de recherches médicales, le lavabo montre son hygiène, la taille des fenêtres connote l'exposition au monde, la taille du cabinet nous montre la discrétion de la séance si il est petit autant que les capacités financières si il est grand... Bref, le cabinet médical est un trésor de signes, et c'est ces signes sur lesquels peut agir le designer pour signifier différemment. Et toutes les disciplines du design sont invoqués. Le design d'objet, la scénographie, le design d'espace, le design graphique, le design textile...

Il s'agit alors au designer de manipuler tout ces signes afin de créer un environnement adéquat au type d'entretien dont il s'agit, pour que le patient soit amené à exprimer le mieux possible son mal-être.

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