Céline Alvarez est une utopiste, elle est persuadée que l'éducation d'un enfant doit se faire naturellement, de façon autonome, dans la joie et l'amour. Ses arguments sont convaincants tant ils nous sont transmis avec clarté et simplicité dans son livre « Les lois naturelles de l'enfant », publié en septembre 2016, où à la conférence qu'elle a donné le 5 novembre 2016 au palais des congrès de Strasbourg. Mais ce qui la rend spéciale, c'est la concrétisation de son utopie. En effet, elle s'est faite professeur des écoles pour mener son expérience de 2011 à 2014 dans une maternelle de Gennevilliers, et les résultats qui nous sont donnés à voir semblent très positifs. Retours sur une pédagogie basée sur la neurologie et sur des outils novateurs.
Avant de parler du contenu du livre et ce qu'il pourrait apporter à notre labo « Pédagogie et Pratique », définissons la manière de procéder de Céline Alvarez qui n'est pas commune. Son approche de la pédagogie est en effet très scientifique. Alors que d'autres pourraient penser une nouvelle forme éducative à partir d'entretiens avec les parents ou les enfants, ou à partir d'écrits philosophiques, elle se base clairement sur la recherche et les écrits scientifiques, principalement en neurosciences ( l'étude de la structure et du fonctionnement cérébral ). Sa démarche pour développer ses propres idées est elle aussi très scientifique: son analyse est basée et argumentée sur le principe de l'expérience. Il pour nous alors très facile d'associer sa démarche à celle du docteur Maria Montessori, qui se base aussi sur son passé de médecin pour penser l'éducation, l'école nouvelle. D'ailleurs, son influence sur Céline Alvarez est forte, cette dernière se positionne explicitement dans sa continuité.
Ce qu'il y a à noter pour notre étude de diplôme cette année, c'est que les sujets d'expérience ne sont pas les enfants en général, mais particulièrement la petite, voir la très petite enfance. Les enfants dont elle parle vont des nouveaux nés jusqu'aux enfants de 6 ans. Et elle parle de façon générale de leur capacité d'apprentissages, qui est le noyau de leur vie à cette âge.
Il est également bon de remarquer la posture de Céline Alvarez. Elle est très engagée. Elle ne cesse de répéter que ces préoccupations sont organiques pour elle, et qu'elles constituent son combat principal. Elle se positionne dans une volonté de révolution de l'éducation, et nous avons l'impression qu'elle se battra tout au long de sa vie pour cette cause. Et ce qui est le plus étonnant et intelligent, c'est qu'il découle de son style d'écriture et de sa façon de parler une grande positivité. Dans son livre, les superlatifs ne manquent pas, et sont parfois tellement présents qu'ils peuvent paraître superficiels. Il serait bon de compter combien de fois les mot « joie » et « amour » ont été écrit dans le livre. Et sur scène, son calme et son sourire nous berce et nous materne pour nous emmener avec beaucoup de finesse sur le champ de bataille de l'éducation.
Justement, quelles sont ses armes et sur quoi porte son propos ? Nous avons relevé trois entrées par lesquelles Céline Alvarez passe pour nous dire que l'école doit être repensée de fond en combles : L'environnement de l'enfant ( l'apprentissage par l'extérieur ), les lois naturelles de l'enfant ( l'apprentissage par l'intérieur ), et les outils utilisés.
L'environnement de l'enfantDans un premier temps, on nous dit que l'enfant, surtout à cet âge, est un véritable vampire dans son environnement. Il va s’imprégner de façon involontaire de tout ce qui l'entoure. Des informations sensorielles, des attitudes, des comportements... C'est pour cette raison qu'il faut que cet environnement soit le plus riche possible.
C'est pourquoi « faire exemple » est important. Pour enseigner des valeurs à un enfant, il est incorrecte de l'obliger à les suivre verbalement, il faut dans un premier temps les suivre sois même, être ces valeurs, pour que les enfant les observe. Le sentiment d'injustice pourrait naître chez lui. Et ceci découle sur pleins d'aspects de la vie quotidienne. Pour l'exemple le plus parlant, en classe il serait incohérent pour un professeur de crier à un enfant de se calmer. Un des méthodes concrète de Céline Alvarez consiste à aller voir cet enfant calmement et de lui parler calmement pour lui dire de se calmer.
Dans ce même principe, l'auteure, linguiste de base, va nous dire à quel point le langage est important pour l'enfant. D'une part dans les premières années de sa vie, même si il ne parle pas, pour développer sa capacité à comprendre et à s'exprimer. D'autre part dans le choix de ce langage que nous allons lui transmettre, en effet toujours sous le principe d'exemple il est impossible d'interdire à des enfants de ne pas dire de gros mots alors qu'il y serait confronté à longueur de journée. Et enfin, le langage est important dans le raffinement humain qu'il pourra lui apporter. À travers cette richesse du vocabulaire, il n'est pas question de paraître snob ou hautain, mais plutôt d'avoir la capacité de mettre des mots sur des sensations, des émotions, pour pouvoir se comprendre et avoir conscience de soi même, mais aussi pour comprendre l'autre. Ainsi, puisque réglés de façon raisonnée et non passionnelle, les conflits sont quasi-inexistants, et se résolvent le plus souvent très rapidement comme le montrent les applications concrètes que met en place Céline Alvarez.
Nous parlions de sensations. L'auteure va noter l'importance d'avoir également un environnement physique riche. Il faut que les enfants aient accès à la nature, dans l'école, mais aussi avec les parents. Cette nature, cet herbe, ces plantes, ce potager, ce climat, ces randonnées sont tous des éléments qui vont permettre à l'enfant de développer une ouverture intellectuelle forte et un intérêt prononcé pour tout ce qui l'entoure. C'est pour cette raison que Céline Alvarez se positionne farouchement contre les écrans et les surplus décoratifs, mais nous y reviendrons.
Contrairement à ce que nous pourrions croire suite à ses rêves d'utopies éducatives, Céline Alvarez n'est pas pour la suppression du lieu école pour un enseignement alternatif à la maison. Elle relève l'importance de l'école dans la construction d'une vie sociale, empathique, et communautaire, qui est central selon elle dans la vie humaine. L'environnement scolaire n'est donc pas à bannir et est essentiel pour l'enfant.
Et enfin, proche de ces question de de sociabilisation et de communauté, Céline Alvarez voudrait supprimer toute hiérarchie, notamment entre le professeur et l'élève, alléger les notions d'autorité et de compétition. Elle prône l'horizontalité de l'éducation. Par exemple, personne dans la classe de Gennevilliers n'appelle la « maîtresse », on l'appelle plutôt Céline. Également, il n'y a pas d'évaluation, car on estime que les enfants n'ont pas à être évalués autour d'un même barème, ils ont juste à se développer selon leur propre capacité, et surtout leur envie ( qui est sans cesse attisée bien sûr ). Et surtout, ce qui est étonnant et bien venu, c'est que les élèves, puisque mélangés de la première section de maternelle à la troisième, s'entraident beaucoup, et la transmission est foisonnante et non unilatérale.
Voilà l'environnement qu'il faudrait développer autour de l'enfant pour qu'il puisse se l'approprier grâce aux lois naturelles qui régissent sont être.
Les lois naturellesParce que oui, Céline Alvarez affirme que l'humain a des capacités innées pour l'apprentissage, mais que souvent, ces capacités sont étouffées par les carcans de la structure scolaire traditionnelle qui uniformise l'apprentissage. Elle promeut alors la libération de ces chaînes pour mettre en place plusieurs principes.
Le principal est l'autonomie. Elle veut faire en sorte que l'enfant gère tout seul les activités qu'il fait. Premièrement cela lui permet de faire ce qu'il désir réellement, et donc, puisque ce sera fait de son propre gré, il développera beaucoup plus intérêt et donc d'apprendre à une vitesse qui dépasse celle de l'éducation traditionnelle. Ensuite cette autonomie lui permettra de se détacher de la « maîtresse », d'être moins dépendant, et de fatiguer moins soi-même puisqu'il ne se sera pas soumis au programme de la maîtresse, et également de fatiguer moins la maîtresse qui peut agir avec les enfants un par un. Céline Alvarez nous démontre également que l'enfant est prédisposé à être curieux et engagé avec ce qui l'entoure. Qu'un caractère inné en lui l'incite à s'intéresser et à développer des capacités qui l'animent. En concevant la lecture comme un jeu par exemple, il pourra apprendre à lire seul sans que des exercices systématiques ne lui soient imposés. Également, pour prendre l'exemple de la musique, un enfant qui s’intéressera par lui même à un piano sera beaucoup plus fin et performant qu'un élève de conservatoire. Céline Alvarez promeut l’autodidaxie.
Mais attention, L'autonomie ne veut pas dire solitude. L'auteur ne cesse de nous répéter qu'il faudra toujours l'accompagnement d'un adulte qui, au lieu d'imposer un enseignement, va aider l'enfant dans la discipline qu'il aura choisi. La présence de l'adulte est toujours fondamentale.
Les outilsEt enfin, Céline Alvarez n'a pas seulement une démarche de pédagogue envers les enfants, mais aussi envers nous, adultes, parents et enseignants. Elle va prendre soin de nous donner des outils, des moyens pour que nous puissions envisager l'éducation des enfants autrement, d'un œil plus réfléchi. Elle se positionne ainsi dans la même démarche que celle de Mariah Montessori d'un coté, mais aussi d'une psychologue qui a marqué nos lectures de groupe : Françoise Dolto. De la même façon, ces trois femmes ont des démarches de vulgarisation scientifique, à destination des adultes, dans le domaine de l'éducation.
Contrairement à Françoise Dolto cependant, Céline Alvarez met en avant ses expériences en contact direct avec ses enfants en nous parlant précisément de tout les outils physiques qu'elle met en œuvre. La plupart d'entre eux sont inspirés des travaux et des créations du Docteur Montessori, mais ne se réduisent pas à une application systématique de ses principes, ce qu'elle rejette totalement. Il s'agit plus d'une appropriation.
Ce qui nous apparaît de façon très claire dans les ateliers qui sont mis à disposition des enfants, c'est la simplicité et l'épure des outils. Chaque outil n'est dédié qu'à un seul objectif, une seule finalité. Et leur forme en découle, les matériaux utilisé sont simples, monochromes. Céline Alvarez s'oppose aux fioriture et à la multiplication des utilisations. Ceci peut provoquer d'inutiles détournement d'activités par les enfants et troubler leur concentration.
Également, il faut que chacune de ces activités aient du sens. Par exemple, l'auteure affirme qu'il est inutile de faire recopier aux enfants des lignes de lettres. Il s'agit avant toute chose de présenter que les lettres en tant que signe graphique qui ont du sens, dans un mot ou dans une phrase par exemple. La qualité de l'écriture découlera naturellement de la volonté de créer correctement du sens.
Et malgré tout les outils qu'expose Céline Alvarez, qui pour la plupart sont grandement inspirés des ceux qu'a mis à disposition Mariah Montessori, elle nous met en garde. Elle nous dit que ces outils ne sont pas une fin en soi, et qu'ils ne valent rien sans le rapport humain qui peut exister autour d'eux. Espérer de ces outils pédagogiques qu'ils fonctionnent seuls est une erreur, il ne sans la présentation, l'aide et le soutien d'un adulte qui observe l'enfant faire si il en a besoin.
Parce que oui, comme conclusion, Céline Alvarez nous indique que rien ne peux fonctionner pédagogiquement sans amour. Que le centre de toute bonne construction humaine réside dans l'amour que nous pouvons porter les uns pour les autres, et que si nous nous laissons guider par ce sentiment que nous avons envers les enfants, que ce soit de la part d'un parent ou d'un professeur, tout est possible.
Voilà tout ce que nous aura enseigné Céline Alvarez grâce à son expérience et à sa volonté hors du commun. Pleins d'éléments sont à récupérer pour les discussion autour de la pédagogie et de sa pratique dans notre labo.