Aujourd'hui, j'ai eu mon premier entretien avec un professionnel de l'intervention en école autour de la santé. Il s'agit de Mathilde Mangenot, qui travaille sur Courbevoie, une ville de la banlieue de Paris. Quelles sont ses convictions, ses observations et ses manques ? C'est tout ce que j'ai découvert durant cet entretien téléphonique de près d'une heure.
Je la remercie d'ailleurs profondément de s'être prétée au jeu et de m'avoir accordé tant de temps. Mais tout d'abord, qui est-elle ? J'ai été mis en relation avec cette personne par le biais d'une de mes connaissance qui m'a parlé de son emploi et de son intérêt à ce que l'éducation à la sexualité envers les enfants évolue.
L'environnement des interventionsAuparavant, elle était infirmière scolaire sous l'éducation nationale. Mais depuis cinq ans, c'est une animatrice d'éducation à la santé, qui travaille pour la municipalité au sein des classes de CM2 et de collège, suite à un accord entre la mairie de Coubevoie et ses écoles.
Ici déjà, quelque chose d'intéressant est à noter. Mathilde m'a signalé qu'il lui a été très difficile de mettre en place ses interventions, parce que, même si leur nécessité est inscrite dans les programmes de l'éducation nationale, les directeurs d'écoles et les maires ne la prennent pas au sérieux. La seule fois où ces interventions ont pris de l'importance dans le débat du village, ça n'était que dans un but politique, quand la mairie voulait montrer son mécontentement à l'école. Mathilde a eu des difficultés à imposer ses interventions à cause de « querelles de chapelle ».
Et pourtant, Mathilde nous dit que lorsque le programme a été mis en place, « Il y a eu une très grosse demande de la part des enseignants, parce que ce n'était pas facile pour eux d'enseigner et de parler de ce type de choses ». Et le résultat a été concluant car toutes les écoles de Coubervoie, environ 15, ont fait appel aux services de Mathilde.
Le contenu de l'interventionGlobalement, Mathilde intervient en classe autour de la santé. Il n'y a alors pas que la sexualité qui constitue ses cours. Principalement d'ailleurs, elle travaille surtout sur l'hygiène en classe de maternelle.
Mais quand il s'agit de sexualité, c'est en CM2 qu'elle intervient avec ses cours sur la puberté et au collège, en classe de quatrième et de troisième qu'elle dispense ses cours sur « Les relations amoureuses » et « Les conduites à risque ». Bien entendu, ces trois types de cours sont justifiés et adaptés à l'âge auxquels ils sont enseignés. Cependant, sommes nous obligés d'être aussi spécifiques dans les thèmes abordés ? Pourquoi les relations amoureuses ne constituent pas une partie du cours de CM2 et pourquoi la découverte du corps grâce à la puberté ne concernerait-elle pas aussi les adolescents du milieu de l'enseignement secondaire ?
Mathilde répond à cette question par une constatation très simple : « Il n'y a plus de place pour la prévention dans la scolarité, et une demi-journée d'intervention, ça passe très vite ». Selon elle, les heures d'intervention en classe sont insuffisants pour parler correctement de sexualité.
Les modalités d'interventionLes cours de Mathilde sont principalement oraux, et ressemblent à tout autres cours que peuvent dispenser des professeurs des écoles à leurs élèves. Quelques principes interactifs sont mis en place, comme la boite à question que peuvent remplir les écoliers au milieu du cours, ou comme le questionnaire de fin d'intervention pour savoir si les enfant ont appris quelque chose et si ils sont satisfaits de la venue de Mathilde.
Quelque fois, les enfant sont incités à venir au tableau, notamment lorsque Mathilde leur demande si ils savent à quoi ressemblent un pénis ou un vagin. Cette activité attire mon attention parce qu'elle nous montre quelle est la vision du corps et de la sexualité en général à cet âge par les enfants. En ce qui concerne la représentation des pénis, les garçons ont souvent nombreux à se proposer pour le dessiner, et les dessins sont révélateurs. Il s'agit souvent, selon Mathilde, de dessins inspirés de tags, très simplistes, avec un sexe toujours en érection et des testicules au dessous. Très souvent aussi, « il y a ce feu d'artifice » au bout du pénis, comme pour dire qu'un sexe masculin n'existe pas sans éjaculation. Une représentation très sexualisée donc, du pénis, car aucun, toujours selon Mathilde, n'est au repos si on ne le réclame pas. Et puis en ce qui concerne le vagin, rien. Les filles sont très inhibées à ce sujet, et presque jamais aucune d'entre elles ne s'est proposée pour venir en dessiner au tableau. Selon Mathilde, c'est parce que le sexe féminin est intérieur, invisible, caché. Mais je pense aussi que c'est parce que son existence dans des dessins urbains ou dans les livres est totalement réduite par rapport au sexe masculin.
Un autre point attire mon attention. C'est la volonté de la part des intervenants de séparer les garçons et les filles lorsqu'on décide de parler de phénomènes biologiques. J'ai demandé à Mathilde si il était souhaitable que les garçons ne soient pas au courant des problèmes de filles et vice et versa. Elle me répond que séparer les sexes désinhibe, que les problèmes des uns n'intéressent pas forcément ceux des autres, et qu'il en a toujours été ainsi. Je pense que ce n'est pas une bonne solution, et que malgré la gène que ça peut provoquer, les garçons doivent être autant informés sur le corps féminin que l'inverse.
Ce qu'il faut retenir des interventionsÀ propos du retour des enfants, Mathilde estime que même si l'ensemble dit avoir appris des choses, la moitié est gêné par le propos de la sexualité. Et ce constat est fait dans une classe « normale », parce que dans les classes où la majorité des élève sont de confession musulmane, la réception est problématique. Par exemple les garçons sont très gêné et ont de « violentes réactions » lorsqu'il s'agit du corps féminin. Il ne veulent pas en savoir plus selon Mathilde.
Mathilde pense également que les connaissances des enfants en terme de sexualité est faible, et ceci pour plusieurs raisons. Le dialogue par exemple n'est pas très présent dans les familles. En effet, sur une classe de 20 élèves, seuls 3 doigts se lèvent lorsqu'elle demande si ils ont déjà parlé de sexualité avec leur famille. De plus, elle est impressionnée par quelques enfant qui sont « bien loin de la réalité » en terme de sexualité. À titre d'exemple, une fille pensait notamment qu'on faisait pipi par les fesses.
Et à coté de la non-information, Mathilde est persuadée que les enfants puisent leur connaissances dans la pornographie. « Il y a à l'évidence une grande partie des enfants en CM2 on vu des films pornos » dit-elle. Les adolescents troisième semblent avoir été tous confrontés à la pornographie et « formés » par elle. Ils sont très désinhibés à son propos. Mathilde observe ce fait notamment à travers l'horreur qu'ils ont des poils. Pour eux, c'est sale. Et Mathilde affirme que ça vient « des films porno et des fantasmes pédophiles »
Ce qu'il faut faireMon entretien avec Mathilde me permet de comprendre quels sont les problèmes concrets liés aux interventions en classe et solidifier encore plus mon projet. En effet, elle me révèle les principaux besoins qui sont nécessaires dans son environnement, notamment la demande active de la part des enseignants pour intervenir dans leur classe, la révision du format et de la durée d'intervention, et un manque de moyens pour effectuer une intervention efficace et ludique, qui surpasserait la gène occasionnée lorsqu'il s'agit de parler de sexualité à l'enfant.
Je pense que je reviendrai vers Mathilde qui n'a sûrement pas fini d'être bénéfique à mon projet.