Aujourd'hui, c'est la deuxième fois que je propose cet atelier de jambes, de ventres et de torses découpées. Mais il est enrichit d'un tableau. D'un tableau sur lequel il y a plusieurs réactions que j'ai pu recueillir, pour le plus grand nombre d'entre eux, lors de la première session de cet atelier. Ainsi les enfants peuvent commenter, en détachant les bouts de papier, les corps qu'ils venaient d'assembler, et je pourrai pour ma part recueillir plus d'information.
Le principe a fonctionné. J'ai en effet réussi à recueillir plus d'information qu'au premier atelier. Et les observation sont plutôt intéressantes :
Un déchaînement significatifDans un premier temps, on a l'impression d'une grande quantité de réaction négative à propos des corps. Par exemple, la femme à la grosse poitrine et aux grosses hanches a vraiment inspiré beaucoup de déchaînement, notamment à cause de sa corpulence ou de ses poils. Il y a également eu le même type de réaction vis à vis de l'homme aux cheveux longs ou de l'homme avec de la brioche.
Mais ce « déchaînement » nous révèle plusieurs points. Dans un premier temps, si il est si remarquable, c'est parce que ce sont les personnes les moins timides, les plus exubérantes, qui n'hésitent pas à crier pour exprimer leur dégoût. Ensuite, on remarque qu'il y a une certaine jouissance à dire des choses négative sur des personnages, plus que de dire des choses positives. En réalité, on peut voir ici une démonstration du plaisir de la transgression. Puisqu'il est mis à leur disposition des mots qu'il serait inconvenant et tabou de dire à une vraie personne dans la réalité, on prend un plaisir fou à les dire à travers ce jeu.
Les enfants plutôt timides eux ne disent pas de choses aussi osées, et lorsqu’ils montrent qu'un personnage est beau ou bizarre, ils se tordent de honte quand on leur demande pourquoi ils ont choisi tel ou tel mot, sans savoir quoi dire.
Le problème de l'âgeMais aujourd'hui, il y a eu une particularité au niveau de l'âge des enfants, qui a permis de dire très précisément à quelle tranche d'âge ce jeu peut être efficace. Nous avons été confronté à des enfants depuis la grande section jusqu'au CE1. Les plus petits avaient d'un coté beaucoup de mal à assembler les pièces de puzzle, qui n’avaient pour la plupart pas de significations si elles était envisagées seules, et de l'autre coté du mal à exprimer leurs sentiments.
Au contraire, les CE1 étaient beaucoup plus expressifs, et même si le puzzle n'était pas évident, avaient beaucoup moins de mal à s'exprimer à propos des corps.
Cet outil est vraiment destiné à des enfants à partir de 10 ans, mais il est trop difficile pour les enfants plus petits. Il serait intéressant maintenant pour moi de savoir quelle serait la réaction des adolescents vis à vis du jeu. Le trouveraient-ils infantilisant ? Les réactions seraient-ils aussi crues ou une plus grande distance sera-t'elle prise ?
PerspectivesMême si je suis convaincu de la pertinence de montrer frontalement les corps humains nus, les réflexions intérieures et extérieures à propos de cet ateliers sont nombreuses :
Dans un premier temps, dans une analyse au premier degré, je me demande si il est juste de donner aux enfants les moyens pour qu'ils parlent librement et souvent de façon négative à propos du corps des autres. Bien sûr une totale censure n'est absolument pas non plus à envisager. Mais je me pose la question de la portée psychologique de la démarche.
Ensuite, on peut se poser la question de l'amour. Est-ce que, à travers cet atelier, le discours que je développe n'est pas que biologique ? En effet, étant donné la position et la représentation des personnages, l'univers scientifique est sans cesse fait appel, et ça peut poser problème étant donné les intentions originelles du projet.
Et enfin, je me rend compte que cet atelier est plastiquement trop conventionnel, pas assez « sale ». Dès aujourd'hui, il faut vraiment que je réfléchisse à la plastique des ateliers. Je pense à « L'orgue des odeurs », à l'exposition du guide du zizi sexuel, qui à titre d'exemple est très fort lorsqu'il s'agit d'invoquer le « sale ».