Aujourd'hui, c'est puzzle ! Mon projet s'enrichit enfin d'un nouvel atelier, « Le puzzle des corps ». Des cheveux bleus par-ci, des poils roux par là, quelle poitrine va fonctionner avec quels bras, les enfants d'aujourd'hui ont essayé de répondre à toutes ces questions.
Mais d'abord, comment a démarré cet atelier. Il est le point de concours de deux volontés. La première volonté est la même que celle de l'atelier « Discussion de Salle de Bains » : Il s'agissait une seconde fois d'utiliser un principe quotidien et habituel ( le puzzle ) pour parler d'une chose qui est inhabituel dans le langage ( la sexualité ). La seconde intuition est dans la continuité de l'atelier « Discussion de Salle de Bains ». Avec celui-ci, je me suis rendu compte que la confrontation conceptuelle à la sexualité ne posait pas vraiment de problème, et je me demandais qu'est-ce qu'il en serait si nous mettions à disposition des représentations concrètes qui correspondent à la sexualité. C'est à dire des poils, des seins, des pénis, des vagins, de la peau.
Je me suis alors mis au travail, et ai décidé de créer 7 personnages illustrés. J'ai créé trois femmes, trois hommes et un transsexuel. J'ai essayé de balayer le plus large spectre de morphologies, de caractéristiques et de couleur de peaux possibles. Les seins vont des plus petits au plus gros, les poils sont plus ou moins rasés, les pénis sont plus ou moins gros. J'ai décidé de peindre les personnages avec des proportions réalistes, et une stylisation assez conventionnelle lorsqu'il s'agit d'illustration pour enfant. Ce style est en confrontation avec les éléments qui sont représentés qui sont moins habituels dans les représentations : les poils sur les jambes des femmes, les cheveux longs pour les hommes, le transsexuel. Avec du recul, je pense que j'ai utilisé cette stylisation conventionnelle inconsciemment pour rendre cet atelier « acceptable », et qu'il ne provoque pas trop de trouble ni au vaisseau, ni aux enfants. Mais en réalité, est-ce ma volonté ? J'ai l'impression de me brider. Ne vaudrait-il pas mieux assumer au bout la provocation pour en retirer de réelles réactions ?
Si je me pose ces questions, c'est notamment grâce au déroulement de l'atelier d'aujourd'hui. En réalité, il s'est plutôt bien déroulé. Plusieurs groupes d'enfants sont venus autour, et se sont mis ensemble à assembler les différents personnages. Il y avait une volonté de leur part de finir les puzzles jusqu'au bout, il y avait un certain entrain à faire cet atelier.
En ce qui concerne le tabou autour de la sexualité, il y avait plusieurs réactions assez drôles. Par exemple, c'est incroyable, mais les poils et les filles sont véritablement des choses d'incompatibles dans l'imaginaire collectif. Souvent, les enfant cherchaient avec obstination les jambes d'un personnage féminin, en ne sélectionnant jamais ces jambes poilues, qui pourtant, lui correspondaient. Également, il y a eu quelques remarques à propos des cheveux longs d'un personnage masculin.
Ensuite, il y a eu quelques expressions de dégoût à propos des parties génitales ou des poitrines des personnages. J'ai plusieurs fois entendu « Ah ! C'est dégoutant », ou ai vu des enfants venir à l'atelier juste pour toucher les sexes des personnages, par plaisir de la transgression, ou parce que ça les faisait rire. C'est alors intéressant de comprendre qu'il y a une réelle proximité entre les représentations sexuelles et le dégoûtant, le sale.
Mais en règle générale, je trouve que je n'ai pas réussi à capter la réelle pensée des enfants. En pratiquant l'atelier, ils étaient plutôt silencieux, et je n'ai pas eu de moyens de savoir si il leur était utile ou pas, si il ont découvert des choses concernant les corps ou non. Par exemple, et je pense avoir raison en m'en étonnant, il n'y a eu aucune réaction au personnage transsexuel. Peut-être que ces ateliers leur ont servi, mais je ne le saurait jamais.
Également, je ne savais pas quelles questions leur poser sans induire un préjugé dedans. Par exemple, il me semble que leur poser la question : « Est-ce que tu trouve ces personnages normaux ? » les aurait amener à penser qu'ils sont anormaux. Il faut alors, pour les prochains ateliers, trouver le moyen de mieux récupérer leur ressentis par rapport à ce qu'ils voient.
Mais plus que de récupérer leur ressenti, il serait également important de les introduire dans mes ateliers, de leur faire s'approprier les outils, pour ne pas qu'ils restent de simples « joueurs », mais également des acteurs. C'est sûrement à partir de toutes ces constatations que va évoluer mon atelier qui se reconduira la semaine prochain dans une version améliorée.