« Lorsque l'enfant parait » est un livre culte, qui a convaincu une génération entière de parents en 1990. Et moi ? Enfant de cette génération ? Me convainc-t'il ? 25 ans plus tard ? Alors que les mœurs changent à une vitesse folle ? La réponse sera extrêmement paradoxale. Oui, la démarche du dialogue claire envers l'enfant est extrêmement louable. Et non, la tradition patriarcale de la psychanalyse est à rejeter à tout prix.
C'est en 1990 que Françoise Dolto publie donc « Lorsque l'enfant parrait ». C'est un livre qui recueille ses réponses données à des lettres de parents dans une émission de France Inter. Dans les années 90, ce livre a su devenir culte auprès des parents qui souhaitaient « bien » éduquer leur enfant par rapport à leur psychologie si particulière.
Françoise Dolto s'inscrit donc très clairement dans une vision psychanalitique de la psychologie enfantine. On y retrouve un grand nombre de principes invoqués par Freud en ce qui concerne la construction de l'enfant. Par exemple, on retrouve le complexe d'oeudipe, qui consiste en ce que l'enfant soit amoureux de son père ou de sa mère et ne veuille pas le partager avec son autre parent. On y retrouve par conséquent malheureusement des inégalités trop marqués entre les hommes et les femmes. Françoise Dolto nous parle ici d'un monde extrêmement patriarcal. Elle s'adresse presque exclusivement à la mère, parce que c'est elle qui doit garder les enfants, pendant que les pères sont au travail. Chacun des sexes doivent de se tenir un rôle par rapport à l'enfant, et si ces rôles ne sont pas tenus, ceci apportera un dérèglement de la cellule familiale. Également, selon elle, le couple hétérosexuel est le seul viable pour une construction saine de l'enfant. Par exemple, en cas de mère célibataire, Françoise Dolto va dire « Un fille, autant qu'un garçon, a besoin de présence masculine pour bien se développer » (p.14).
Et l'homosexualité dans tout ça n'est pas à favoriser. Par exemple, lorsque des parents se rendent compte qu'un de leurs garçons a des pratiques dites « féminines » - Il fait de la couture, du canevas, traîne avec des filles, aime le ballet – d'une part, il est forcément homosexuel, et ensuite, on a une fâcheuse tendance à souhaiter « sa guérison ». « Pourquoi [le père] ne l'aime-t'il pas quel qu'il soit, en l'aidant à devenir autrement » ( p.155 ) se demande Françoise Dolto. On incite également le père à dire à l'enfant « Un homosexuel est malheureux parce qu'il ne peut pas avoir de descendance du fait que son désir sexuel n'est par orienté vers l'autre sexe » (p.156). Cependant quelques bribes du texte nous montrent que Françoise Dolto, sans s'y atteler, peut s'ouvrir aux questions d'une vie homosexuelle positive : « Mais pourquoi en souffrir [de l'homosexualité], après tout ? Nous ne savons pas tout de l'homosexualité. ».
Je pense que cette conception de la cellule familiale « normale » est viable seulement dans une logique relative. En effet, si nous nous basons sur les grands principes de la psychanalyse, un enfant élevé par un couple hétérosexuel ne sera pas le même qu'un enfant élevé par un couple homosexuel ou par un seul parent. Et si le couple hétérosexuel constitue une norme, alors oui, tout ce qui n'y sera pas conforme pose problème pour l'enfant.
Or, aujourd'hui, c'est différent. Les mœurs ont changé. Si nous nous extirpons de cette pensée naturaliste qui veut qu'un couple soit forcément hétérosexuel, et que nous considérons qu'un couple homosexuel ou une famille monoparentale sont aussi des modèles normaux, alors l'éducation d'un enfant dans toutes ces situations, bien que différente, aura toujours autant de valeur, et sera toujours aussi bienfaisante pour l'enfant.
Passé cette conception passéiste des genres, l'autre point récurent se trouve être cette fois-ci très louable. Françoise Dolto nous parle systématiquement de l'importance du dialogue entre le parent et l'enfant. Toujours, le parent se doit de parler, d'être clair, à propos de tout les sujets, même les plus sensibles ( la mort, le vol, la séparation, le père noel... ) et dire qu'ils les aime. Sinon, l'enfant peut vivre dans un monde de mythes et d'angoisse qu'il se sera créé et qui ne seront pas conformes à la société qui l'entoure. Pour résumer cette idée, nous trouvons, en page 111, une phrase emblématique : « Il faut que la réalité demeure dans les mots de la réalité – c'est à dire de l'expérience des choses – et dite très simplement ».
J'ai cru pendant une longue partie de mon adolescence que c'était Super Nanny, l'actrice de téléréalité, qui avait a elle seule compris l'importance du dialogue avec l'enfant et la nécessité de lui montrer qu'on l'aime. Mais non, toute sa pratique est en réalité basée sur les pensées de Françoise Dolto entre autres.
De plus, Françoise Dolto veille à donner les mots aux parents qui ne sauraient pas s'exprimer auprès de leurs enfants. Elle a vraiment une démarche de médiatrice et c'est sûrement ce qui constitue au final le centre de son travail. Et c'est dans cette démarche que je veux me positionner.
Au delà alors de tout les problèmes liés à la vision psychanalytique du genre, Françoise Dolto sera une très bonne référence, que nous pourrons rapprocher de « Pubertet ! » ou du « Guide du zizi sexuel », lorsqu'il s'agira de parler de façon très claire de sexualité aux enfants.