Jeudi 18 Aout 2016
Titeufetlasexualité( 1/2 )

Qui n'a jamais entendu parler de cette création ? Que ce soit grâce à la volonté intéressante d'Hellen Bruller et de Zep de parler de sexualité aux 9-12 ans, ou à cause de toutes les polémiques qui ont gravité autour d'elle ? Quoi qu'il en soit, il ne peut pas exister de meilleure introduction à la médiation de la sexualité vers les enfants, et au tabou autour du sujet qui a provoqué une réaction violente de la part de nombreuses associations...

Tout a commencé il y a 15 ans, en 2001, lorsque la version papier du guide sort en France. Je n'avais que 7 ans lorsque j'ai assisté à un vif débat entre parents et grands-parents en ce qui concerne la légitimité de mettre à ma disposition le livre. Déjà, là, sans l'avoir ouvert, le livre marque un point crucial. Il pose la discussion dans le cercle familial. Et la séparation de l'enfant et de la sexualité n'est plus une évidence, mais un fait à remettre en question. Mais très vite on peut se demander qu'est-ce qui crée la gêne qu'il peut y autour de cet ouvrage ? Est-ce la première méthode d'éducation sexuelle destinée aux enfants ? Il me semble que la nouveauté de ce livre repose sur l'association du personnage de Titeuf, un personnage très connu auquel les enfants se sont attachés déjà depuis des années, à la sexualité. Et il est possible que les parents aient été gênés par cette familiarité.

Le contenu

Donc, en ce qui concerne la forme, le livre remplit déjà sa fonction, puisqu'il invite au débat. Et en ce qui concerne le fond ? « Le guide du zizi sexuel » adopte un ton assez spécifique, et plutôt adapté. Le ton utilisé est très concret, il va analyser la sexualité de façon carthésienne en expliquant l'amour et le sexe de façon phénoménologique et scientifique. On va tenter d'éviter l'abstraction qui peut à cet âge amener à la confusion ou l'incompréhension. Par exemple à la question très complexe « qu'est-ce qu'il se passe quand on est amoureux ? » On va répondre de façon très simple : « Quand on voit la personne qu'on aime, on a le cœur qui bat très vite. Quand l'élu n'est pas là, il nous manque si fort qu'on peut avoir mal au ventre ». À la question : « C'est quoi ? Avoir du désir pour quelqu'un ? », on va répondre : « C'est quand on a envie de faire l'amour avec cette personne. ».

On peut reprocher à ces extraits choisis d'être trop simplistes et normatifs. Une certaine mécanique de l'amour peut s'installer au détriment de tout les aspects immédiats et pulsionnels qu'on accorde à l'amour. Et ce reproche peut-être d'autant plus appliqué lorsqu'on lit la page « Comment on embrasse ? », où une sorte de mode d'emploi très réducteur apprend comment embrasser. Ces réactions sont légitimes et posent problème. D'un coté, ce ton direct est le bienvenu si on conçoit qu'avant 12 ans, l'enfant a besoin de principes clairs comme ceux-ci pour construire une pensée, avant de les déconstruire après 12 ans. De l'autre, il est problématique, car ce qui constitue un modèle dans la sexualité est en même temps un élément très important dans la légitimation de sa propre sexualité, et en même temps très contestable car le modèle ne pourra jamais parfaitement être cohérent avec notre propre sexualité. Mais cet écueil qu'est la normalisation, Hellen Bruller y pense évidement et l'évite en nuançant presque perpétuellement ses propos, toujours avec un ton clair et assuré. L'acteur n'est jamais obligé de ressentir ce qui est dit dans ce livre et a surtout toujours le choix. Le verbe « pouvoir » est ainsi perpétuellement utilisé et la question de l'envie est toujours présente.

Mais un point très positif de l'ouvrage réside dans l'association de ses conseils au ton ludique décomplexé et humoristique qu'apporte le personnage de Titeuf. Titeuf agit comme un compagnon de route au lecteur, qui va réagir au premier degrés à ce qui est écrit de façon naïve et drôle. Et son intervention va apporter deux qualités au discours. On va être amené à percevoir la sexualité comme quelque chose de positif et de lumineux, au contraire d'une tradition judéo-chrétienne qui serait tenté de faire glisser la sexualité du coté du péché. Et on va être amené à prendre de la distance vis à vis du discours, qu'on ne doit pas le prendre comme tel mais qu'il nécessite une interprétation, comme celle qu'a Titeuf ( forcément fausse et drôle ).

De plus, le type d'illustration que propose Zep, notamment au passage ultra-célèbre du doigt dans le trou de la page qui devient le pénis de l'homme, surpasse un obstacle antédiluvien dans la représentation graphique de la sexualité. Pour éviter de représenter l'homme et la femme sexuée de façon réaliste, ce qui pourrait choquer le français moyen, il va dessiner les corps de façon naïve et enfantine, comme le personnage de Titeuf aurait pu les dessiner. Même la direction artistique de ce livre est intelligente et suit les intentions de cet ouvrage jusqu'au bout.

Il nous semble alors que ce travail est le fruit d'une réelle réflexion, et que son impact est positif, tant pour l'enfant que dans la cellule familiale.

Les reproches

Ce livre est sorti en France en 2001, mais le temps ne fait rien à l'affaire, les polémiques existent toujours aujourd'hui, notamment au Canada, lorsqu'il y est réédité en 2011. Certaines critiques se font réactionnaires, d'autres un peu plus progressistes en relevant le contenu phallocentrique et très latin de l'ouvrage mais aucune ne parle réellement du contenu du livre pour être des critiques sérieuses.

Et puis, ceci n'est rien comparé aux critiques qui attaquent « Le zizi sexuel, l'expo »...

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