Dimanche 28 Aout 2016
L'enfanceetlacultureérotique

Mars 2016, Maïa Mauzaurette, blogueuse et chroniqueuse à GQ Magazine et Le monde, publie un nouveau billet sur la sexualité. En totale phase avec notre réflexion, il s'agit d' "Une enfance sans pornographie". Elle y révèle en quoi le problème autour de l'accessibilité grandissante à la pornographie par les futurs adultes n'est pas traité correctement. Le vrai problème n'est en effet pas la pornographie, mais celui de l'apport culturel érotique en général. Un problème du, selon la journaliste, au tabou et au « fantasme de l'enfance innocente ». Retour sur une analyse qui se base méthodiquement sur nos souvenirs d'enfance inavoués.

L'article est tout d'abord introduit comme étant une réponse à une croyance presque unanime aujourd'hui : La pornographie est la terrible et unique cause qui vient pervertir nos enfant. C'est elle qui leur crée des fantasmes surréalistes. C'est elle qui annihile l'imagination érotique. C'est elle qui crée en conséquence une dépendance. Mais Maïa Mazaurette ne va pas chercher à réfuter à tout prix ces croyances, elle tente de démontrer que ce n'est pas la pornographie qui pose problème, mais la pornographie en tant que seul vecteur de culture érotique.

L'érotisme, sa présence, son effet

Mais dans le cas où il ne s'agit pas de pornographie, faut-il vraiment que l'enfant ait un accès à la culture érotique ? De façon très pragmatique, personne ne peut y échapper. D'une façon très générale, les créations de culture occidentale, même lorsqu'elles ne sont pas qualifiées d'érotiques, baignent dedans. Surtout dans la culture populaire. Soyons sérieux, à des degrès différents, la grande majorité des films possède une scène d'amour, ou tout simplement de baiser. Il n'existe pas de romans sans une description d'un personnage séduisant. Il n'existe pas un album sans une musique dédiée à l'amour. Il n'existe pas une bande-dessinée sans un personnage au dessin ou à la position sensuelle. Avez-vous déjà regardé le dessin de la petite sirène de Walt Disney ? Avez vous déjà vu un clip de Rihanna ou de Beyonce ? Ne vous êtes-vous jamais demandés d'où venaient les habits du personnage Catwoman ? Si les créations artistiques sont un temps soit peu un miroir du monde vu par l'être humain, il est normal que la sexualité soit une problématique récurrente.

Et en plus de toutes ces petites touches qui font appel à la sexualité dans la culture artistique, au delà de « la projection sur nos enfants d’un fantasme très, très contestable de l’enfance innocente », le jeune adolescent est forcément amené à être curieux à propos de la création érotique, que ce soit pour le doux plaisir de la transgression ou pour la découverte de la sexualité appliquée, notamment solitaire. Sinon, sincèrement, pourquoi verrait-il de la pornographie ?

Mais cette culture érotique, Maïa Mazaurette soutient le fait qu'elle est nécessaire à la création de nos fantasmes, donc à la création notre désir, donc à la création notre sexualité. Elle va mettre le doigt sur le fait que l'absence de culture érotique pour notre désir est inimaginable : « On développe quoi, sans base culturelle ? On écrit quoi, sans grammaire, on invente quoi, sans table des éléments ? ». On retrouve la problématique de l'article précédent, évoquée par une mère de famille, qui dit que la multiplication d'éléments liés à l'érotisme et à l'éducation sexuelle est préférable au néant, au vide.

Et partant de cette perspective, la chroniqueuse met le doigt sur la qualité de ce bagage érotique. Non, il ne faut pas que la source de références érotiques soit unique, comme le tend à penser la relation à la pornographie, mais qu'il fasse preuve d'une certaine diversité de points de vue et de contenu, qu'on puisse avoir la possibilité de sélectionner, de confronter, et de s'approprier les nombreuses, les très nombreuses et différentes images que nous pouvons avoir de la sexualité.

L'éducation érotique

Ici revient alors la question de l'éducation : « L'absence de choix [ dans les productions érotiques ], c’est une absence d’éducation qui repose sur une absence de transmission et qui effectivement produira un assèchement – les fantasmes, ça s’arrose. C’est à nous, adultes, parents, d’exposer doucement les futures générations à des formes graduées et variées d’érotisme. ». La transmission, même si elle n'est pas directe, est essentielle dans la création d'une sexualité. Par exemple, et suivant les conseils de l'article, il est évident que cacher au fond d'une bibliothèque un album du photographe Araki ou « Lolita » de Vladimir Naboskov n'aura pas le même effet que de cacher au fond d'une bibliothèque un numéro du magazine de Marc Dorcel.

Tout cela a l'air d'être une pensée extrême et destructrice pour l'image que nous nous faisons de l'enfance. Plusieurs fois alors dans l'article, Maïa Mazaurette prends ses précautions, et souligne le fait de ne pas adopter d'attitude trop précipitée, de rester prudent face à la découverte de la sexualité d'un enfant. Tout comme dans l'expo « Le zizi sexuel », il faut prendre de la distance avec eux et les laisser divaguer dans ce monde auquel ils seront forcément confrontés. Par exemple, on nous parle bien de "formes graduées" d'érotisme. Ensuite, on nous prévient: « Non qu’il faudrait ne jamais s’inquiéter de rien, non qu’il faudrait ne jamais protéger les enfants (le feu brûle, je vous l’accorde). ». « Pas question de coller des sodomies sous le nez des collégiens ! Mais nous pourrions laisser traîner des éléments culturels sur la table basse, ou les cacher dans un placard – laisser aux jeunes le plaisir d’une terrible transgression. Les bibliothèques servent aussi à cela. »

Le propos de Maïa Mazaurette et très séduisant, mais une critique pourrait être effectuée à son égard. Il nous semble que quelques unes de ses explications découlent d'une expérience personnelle passée, et elle trouble le propos à deux niveaux. Premièrement, puisque ses bibliothèques familliales étaient remplies de « traités sur le fétichisme, poèmes d’Apollinaire ou de Pierre Louÿs, SAS cochons, romans de San Antonio, mais encore Mapplethorpe, Araki, Manara...», nous pouvons imaginer qu'elle a vécu dans un foyer aisé, au niveau culturel important. Or c'est loin d'être le cas de tout le monde... Que se passerait-il si ces livres avaient été mis aux mains d'enfants de familles à l'intéret culutrel moins élevé ? Et deuxièmement, puisque qu'âgée de 38 ans, et que les temps changent, comment aurait-elle réagi si elle avait grandit aujourd'hui ? À l'époque d'internet ? À l'époque du tout accessible ?

Maïa Mazaurette aura quoi qu'il en soit mis le doigt sur plusieurs problématiques qu'il s'agira de confirmer autour d'études plus scientifiques, et moins journalistiques, à propos de l'impacte de la culture érotique sur l'enfant.

Post-scriptum

En écrivant cet article, je me rend compte qu'il faut éclaircir un point. Aujourd'hui, mes propos sont évidemment au stade de l'utopie et qu'ils ne constituent en rien des méthodes à appliquer. Il s'agit en ce moment pour moi de capturer l'essence de certains textes et de certaines oeuvres, pour les transformer de façon adaptée par la suite. Ce n'est pas parce que j'essaie de voir au delà du tabou qu'il faut pour autant le détruire et ne pas le prendre en compte.

Images de Nicholas Mottola Jacobsen

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