Six ans après la sortie du livre, "Le zizi sexuel, l'expo" s'installe à la cité de la science de la Villette en 2007. Déjà à cette époque, elle fait succès auprès de ses visiteurs et provoque une polémique auprès des conservateurs de la naïveté enfantine. Mais ce n'est rien comparé à la réédition de 2014, contre laquelle l'association "SOS Éducation" a récolté plus de 40 000 signatures pour proposer son retrait.
Pourquoi exiger son retrait ? Pourquoi perpétuer une tradition qui consistre à croire que l'enfant doit être écarté de la sexualité pour ne pas être "perverti" par elle ? Pourtant, rien ne prête à penser qu'en s'y rendant, il s'engouffrera dans les terribles noirceurs de la luxure, et que la pureté qu'il se doit d'inspirer sera salie.
L'exposition est tout ce qu'il y a de plus positif et ludique. Tout est pensé pour que l'enfant accueille les information qui lui sont données sans que sa pudeur ne soit troublée. Et ces informations les concernent tant qu'on se demande pourquoi seule une expostion les transmet.
L'exposition, concrètement.Cette exposition consiste en une série d'installations ludiques et souvent interactives mise à la disposition d'un public un peu plus âgé que pour le guide, les 9-14 ans, qui leur explique la sexualité à travers le même médiateur: Titeuf. Elle se découpe en 4 parties: Etre amoureux/se, La puberté, Faire l’amour, Faire un bébé et Ouvre l’œil.
L'intention soutenue dans le livre d'adopter un ton direct et clair est ici réexploitée, mais cette fois-ci avec beaucoup plus de force, car ce n'est plus l'imagination qui est solicitée, mais les sens. Dans le guide, nous nous exprimions avec des mots. Ici, c'est avec des interaction, des odeurs, des sons et des textures.
"L'orgue des odeurs" propose par exemple au visiteur de sentir les odeurs d'haleines, de pieds et d'aisselles, et le "rallye des spermatos" permet de se glisser dans la peau d'un spermatozoide le temps d'une minute, tandis qu'une autre installation permet de voir comment un pénis entre en érection. Choquant me direz-vous ? Non, parce que tout ceci reste symbolique et les matières utilisées sont familières aux enfants. Ce ne sont que les principes que nous allons expliquer, le réalisme n'est jamais visé. Par exemple, le sexe en érection reste un ballon de baudruche qui se gonfle et se dégonfle selon la pression d'air, les 'odeurs' n'ont rien d'organique et sont des parfums qui viennent chatouiller doucement le nez, et l'éjaculation est imagée à travers la propulsion de boules de polystyrène.
La polémiqueAlors pourquoi SOS éducation a voulu faire supprimer cette exposition avec cette pétition "Non au zizi sexuel" ? Deux arguments principaux sont clairement énoncés dans cette pétition: "Les sorties scolaires vers l'exposition ne doivent pas remplacer le temps consacré aux enseignements fondamentaux", et "Les parents doivent être tenus au courant du contenu de l'exposition".
Là où c'est révoltant, c'est lorsqu'ils ommettent d'annoncer ou déforment les véritables intentions de l'exposition. En ce qui concerne le premier argument, les heures de cours seraient supprimés pour aller "pour aller leur faire humer des effluves de pieds ou d'aisselles, leur faire appuyer sur une pédale permettant de dresser un « zizi piquet » qui éjacule, ou leur enseigner la masturbation". Or, premièrement, cette exposition ne consiste pas uniquement en cette liste d'activités réductrices. Ensuite, non, on enseigne pas la masturbation, on dit qu'elle est "essentielle pour découvrir son corps" et qu'elle doit être pratiquée "dans l'intimité". Et oui, faire comprendre les odeurs et l'érection de façon claire et ludique fait partie des choses essentielles pour éviter qu'on persiste à faire croire que les garçons naissent dans les choux et les filles dans les roses. Et puis, y a-t'il plus "fondamental" comme enseignement que la connaissance de soi et que la vie sociale ?
En ce qui concerne le deuxième argument, il est soulevé parce que dans l'exposition, un espace est proposé à la déambulation individuelle, où le parent est incité à ne pas y accompagner son enfant. SOS éducation s'approprie cette initiative, et crie au scandale: "Quoi ?! Cette exposition vole vos enfant, pour les pervertir sans que vous soyez au courant ! Vous seuls, parents, devez être maître de l'éducation sexuelle de vos enfant !"
En réalité, il en est tout autre chose. Dans la réalité, les parents ont du mal à trouver les mots pour expliquer la sexualité à leur enfant par peur de troubler leur innocence. Dans la réalité, les enfants découvrent la sexualité avec plus de facilité lorsqu'il n'y a pas l'oeil d'un proche sur eux et leur intimité. Et puis en réalité surtout, les parents entrent dans cet espace, aucune barrière réelle n'est posée, et il est juste conseillé de laisser l'enfant dans son intimité dans cet espace. Et puis enfin, aucune succube ni diable ne s'y trouvait pour enseigner le vice à vos enfants.
C'est à ce moment qu'une mère de famille se questionne pour les inrocks: "Est-ce qu’ils y sont vraiment allés pour dire des choses pareilles?"
Le tabou, une question politiqueAutour de cette pétition, chaque journal à développé un article dans la période du 10 au 12 Octobre 2014, le jour de l'ouverture de l'exposition. Parmis eux, Le Parisien, Le Huffingtonpost, et auféminin.com entre autre ont expliqué de façon plus ou moins neutre la discorde entre l'association SOS éducation et les commanditaires de l'exposition. S'il était demandé ce faire une synthèse de ces articles, ce serait assez simple. Les journaux marqués à gauche, comme les inrocks, vont critiquer SOS éducation, et les journaux à ligne éditoriale de droite, comme le Figaro ou Valeurs actuelles, vont soutenir SOS éducation. Et au delà de ces médias, nous avons les billets journalistiques indépendants qui vont avoir un avis sur l'exposition très tranché et extrême, comme la très conservatrice Tribune du midi et le très soixanthuitard billet sur Atlantico.fr.
À partir de ce classement, une autre tendance semble se dessiner. Dans chacun de ces articles, il y a une confrontation, mais les entités ne sont pas les mêmes. Les journaux "de droite" vont confronter SOS éducation aux créateurs de l'exposition et à leur propos, alors que les journaux "de gauche" vont opposer cette association aux visiteurs mêmes de l'association, et à leur réaction, unaniment positive. Tout est une question de temporalité. Alors que les conservateurs vont réagir à propos du postulat de base de l'exposition, les progressistes vont analyser l'effet que produit l'exposition sur les visiteurs.
De manière générale, nous pouvons penser que les mouvements de gauches seraient enclins à favoriser le dialogue à propos de la sexualité avec les enfants alors que les mouvements de droite auraient plus de retenue à son propos.
Le zizi sexuel conforte l'idée d'une ouverture à la sexualité pour les enfantsEn plus du postulat de base de l'exposition, les réactions des visiteurs à son propos nous éclairent et nous disent à quel point le dialogue à propos de la sexualité vers les enfants est nécessaire.
Le parisien et auféminin.com récoltent des mots qui disent la necessité de multiplier les points de vue à propos de la sexualité au lieu du vide et de l'ignorance. Une éducatrice spécialisée dira par exemple que " Quand les enfants ne savent rien, ils imaginent n'importe quoi. J'ai travaillé dans des collèges où les filles ne savaient même pas qu'elles allaient avoir leurs règles. Elles étaient terrorisées quand ça leur arrivait. ". "L’information sexuelle des enfants ce n’est pas une question d’idéologie, d’opinion, c’est une question qui concerne leur construction. L’instruction sexuelle des enfants est essentielle et fondamentale. C’est comme une boussole. Si on ne leur donne pas, toutes les errances sont possibles. Les errances viennent de la non-information et jamais de l’information.". Je sens que ces phrases vont ressortir lors des oraux tant les métaphores sont justes et compréhensibles.
Quoi qu'il en soit, beaucoup de marches sont à atteindre avant ces moments, mais je sais que le cas du guide du zizi sexuel forme une base assez solide pour me porter vers un projet viable.