Si le projet que je mène cette année pour l’accessibilité des enfant aux informations concernant la sexualité était un chemin, la censure en constiturait les obstacles, et ceci à travers différents niveaux distincts, volontaires ou involontaires. Ceci se vérifie à travers plusieurs mesures qui ont été prises et qui auraient pu faire office de ralentisseurs au fil de la mise en place du projet Parlons d'amour.
La censure légitimeLa première est arrivée très tôt, en juin 2016, lorsque nous avons pris rendez-vous au Vaisseau, un centre de culture scientifique destiné aux enfants, pour nous en faire un partenaire potentiel. Lorsque j’ai parlé à l’institution de mon projet, du type d’atelier que je voulais mener chez eux, et de ma volonté de parler aux enfants d’orientation sexuelle et de puberté de façon claire et sensible, leur réaction presque immédiate a été d’instaurer un principe de validation au préalable de chacun de mes ateliers. Ici apparaît alors la possibilité d’une censure. Ayant discuté avec Christel Le Delliou, responsable du partenariat entre le Vaisseau et l’In Situ Lab, à propos de mon projet, elle me semblait pourtant très ouverte et disposée à installer mon projet au sein du vaisseau. Mais il nous semble que la nécessité d’une validation de leur part s’explique très simplement : le personnel du vaisseau n’a pas envie de recevoir de plaintes de la part du public à propos d’ateliers « déplacés ». Ces plaintes pourraient en effet réduire le nombre des visiteurs, mais aussi inciter le conseil départemental à revoir les subventions qu’il verse au vaisseau si les plaintes revenaient jusqu’à eux.
Il est alors intéressant de noter qu’il est possible de porter plainte contre la divulgation de la sexualité. La loi française nous en donne la possibilité. L’article 227-22 du nouveau Code pénal, notamment, punit la « corruption des mineurs »1. À la lecture de l’article, on peut voir que ce terme est extrêmement modulable et qu’il peut s’appliquer, ou non, à un grand nombre de situations. Quoi qu’il en soit, elle constitue un appui solide et idéal à toute organisation qui voudrait imposer une censure à la mise à disposition du thème de la sexualité aux mineurs.
La censure systématiqueL’application de la censure à propos de la sexualité se retrouve donc, suite à cette loi, à plusieurs endroits, et se fait souvent de façon systématique. Il arrive alors que nous faisions face à des incohérences malvenues. De façon très concrète, lors de mes recherches pour mon projet cette année, j’ai dû aller chercher sur internet des sites d’éducation sexuelle. Cependant, en me connectant au réseau du lycée public Le Corbusier à Illkirch, celui-ci m’interdisait l’accès à des sites d’état reconnus proposant une éducation sexuelle, comme On sex-prime2 ou encore Éducation sensuelle3. La raison est explicite : c’est parce qu’il est classé en tant que site « Sex Ed ». N’est-ce pas incohérent qu’un lycée public interdise à ses élèves, qui ont pour la plupart entre 14 et 18 ans, d’aller sur un site national qui leur est destiné ? Quel mal pourrait-il y avoir ? La systématisation de la censure pose alors des incohérences.
Écran de censure au Lycée Le Corbusier
Également, lorsque j’ai voulu publier sur Facebook4 mon intervention au vaisseau pour l’atelier Puzzle des Corps5, je me suis vu censurer et supprimer mes photos, sur lesquelles nous pouvions voir des pièces de bois sur lesquelles étaient peintes de façon très simple, avec un style d’illustrations pour enfant, des parties du corps humain, comprenant, des poitrines et des parties génitales. Il existe une systématisation visant à éradiquer la nudité sur Facebook. Cependant, ces images représentent explicitement une scène de pédagogie plus qu’une scène sexuelle, et son discours est « bienveillant ». Au sein des conditions du réseau social, Facebook s’en excuse : « En conséquence, nos règles peuvent parfois être plus formelles que nous l’aurions souhaité et limiter le contenu partagé à des fins légitimes »6.